Peux-tu nous raconter ton parcours en quelques mots ? Qu’est-ce qui a influencé ton choix de devenir recruteuse tech, ensuite entrepreneure RH ?
Je suis née et j’ai grandi à l’île Maurice et j’ai commencé ma carrière en offshore, avant de rejoindre des cabinets de recrutement et de travailler ensuite en consulting et en start up, et scale up en Europe. J’ai eu la chance de participer à des contextes très différents : des petites start up de 12 personnes jusqu’à l’IPO d’une licorne française. Ce que j’ai retenu : le recrutement est toujours un levier critique de croissance. Mon choix de devenir recruteuse est venu naturellement, parce que j’ai toujours eu cette facilité à comprendre les gens et à connecter les bonnes énergies. L’entrepreneuriat, c’était la suite logique : après 15 ans à voir les limites du modèle classique, j’avais envie de proposer une alternative plus fluide et plus équitable.
Tu évoques une double culture avec une « vision triple ». Comment cette dimension interculturelle influence-t-elle ton approche du recrutement ?
Je me définis comme ayant une vision triple : la rigueur européenne, l’agilité africaine,
et l’ancrage mauricien comme passerelle. Ça influence directement ma façon de recruter : je sais ce que recherchent les startups européennes en termes de process et d’exigence, mais aussi la valeur énorme des viviers africains et insulaires souvent sous-estimés. Du coup, je construis des ponts : je traduis les attentes des uns en opportunités pour les autres.
De l’Europe à l’île Maurice et l’Afrique
Quel a été le déclic précis qui t’a poussé à étendre ton activité vers l’île Maurice et le reste de l’Afrique ?
Le déclic s’est fait en deux temps. D’abord, une rencontre avec un passionné de l’Afrique m’a permis de redécouvrir mon île à travers une perspective internationale. Ensuite, j’ai vu trop de projets en Europe bloqué faute de talents, alors qu’en Afrique et dans l’océan
Indien, il y a une jeunesse compétente, motivée, mais trop souvent invisible aux yeux du marché global. Je voulais connecter ces deux réalités, et ma double appartenance rendait ça évident.
Quels défis spécifiques as-tu rencontrés en développant des activités RH sur Maurice et le continent ?
Les défis sont multiples : parfois un manque de structuration RH, une difficulté d’accès à des outils performants, et surtout une perception encore trop “locale” des talents. Il faut aussi composer avec les spécificités culturelles, par exemple dans les techniques de
négociation salariale, qui sont très différentes d’un pays à l’autre. Comprendre et respecter ces codes, c’est essentiel pour bâtir une relation de confiance et sécuriser le recrutement.
En quoi NexLink est-il une rupture avec le modèle classique ?
Les cabinets classiques sont souvent rigides, centrés sur des modèles coûteux, surtout quand il s’agit d’international. Avec NexLink, j’ai voulu créer une alternative : un Recruitment-as-a-Service, pensé comme une stack tech. Modulable, pilotable, transcontinental. Concrètement, nos clients activent uniquement les briques dont ils ont besoin, et nous suivons leur rythme business, pas l’inverse.
NexLink et la vision de la Tech
Quelle est ta vision précise de NexLink et son impact ?
Je vois NexLink comme un lab RH transcontinental. On accélère les talents africains et mauriciens, malgaches en les connectant au marché global, mais aussi en les outillant : soft skills, coaching, mentoring. Concrètement, ça veut dire moins de barrières, plus de diversité, et une compétitivité renforcée pour nos talents sur la scène internationale.
Les talents africains doivent-ils forcément partir pour réussir ?
Pas forcément. Réussir ne doit pas être synonyme de quitter son pays. Ce qu’il faut, c’est un écosystème local fort : des formations solides, des startups ambitieuses, des investisseurs confiants. Notre rôle, c’est de connecter les talents au marché global tout en
renforçant leur ancrage local.
Quelles compétences clés NexLink développe chez les talents ?
Au-delà des compétences techniques, on mise énormément sur les soft skills :
communication, agilité, adaptabilité, travail en équipe multiculturelle. Ce sont cescompétences qui permettent à un talent africain de briller autant à Paris qu’à Port-Louis ou Lagos.
DodoBotics
Qu’est-ce qui t’a motivée à co-créer DodoBotics ?
On a lancé DodoBotics à trois : Verlaine, un tech basé au Congo, ma petite sœur qui est PM à Maurice, et moi recruteuse. À la base, c’était une envie simple : créer quelque chose qui apporte de la valeur et qui donne une voix différente, mauricienne et africaine, sur
des sujets globaux comme l’IA, la robotique et l’avenir du travail. Notre but, c’est de rendre ces thèmes accessibles, de les vulgariser pour qu’ils ne restent pas réservés à quelques experts, mais qu’ils inspirent aussi les jeunes, les entrepreneurs et les décideurs locaux.
En quoi la vulgarisation renforce-t-elle l’écosystème ?
Vulgariser, ça veut dire rendre accessible. Quand un jeune à Abidjan ou Port-Louis lit un article sur l’IA et comprend comment ça peut s’appliquer à son quotidien, on crée des déclics. Et les déclics, c’est ce qui nourrit l’écosystème.
Conseils et stratégies
Tes conseils à un talent tech africain ou mauricien ?
Crois en ta valeur locale, mais pense global. Apprends les soft skills, renforce ton anglais, et connecte-toi à des réseaux internationaux. La bonne nouvelle, c’est qu’avec Internet, tu peux avoir un impact mondial sans quitter ton île ou ton pays.
Les pièges à éviter pour les startups en croissance ?
Deux grands pièges : recruter trop vite sans structurer, ou attendre trop longtemps et bloquer sa croissance. Il faut trouver le juste équilibre : un recrutement aligné au business, pas au hasard.
Un exemple inspirant via NexLink ?
Récemment, une scaleup française voulait monter une équipe tech pour développer un agent IA en interne et rester compétitive sur un marché global. En deux semaines, nous leur avons trouvé leur Engineering Manager, un poste pensé avec de vraies perspectives
d’évolution, car en startup, tout peut aller très vite. Résultat : budget divisé par trois, compétitivité renforcée. Et côté local, ce recrutement a aussi apporté de la valeur, de la visibilité et une vraie reconnaissance pour le talent. Tout le monde y a gagné.
Comment imagines-tu le futur des écosystèmes tech en Afrique et à Maurice ?
Je vois l’Afrique et Maurice comme des Hub incontournables : jeunes, dynamiques, connectés. Le challenge, c’est de transformer ce potentiel en compétitivité réelle grâce à l’éducation, la structuration RH et l’accès au financement.
Tes prochains grands défis avec NexLink et DodoBotics ?
Avec NexLink, scaler l’impact : accompagner plus de startups, structurer plus de talents, et prouver qu’un modèle transcontinental est possible. Avec DodoBotics, continuer à donner une voix africaine sur les sujets de tech mondiale.
Que penses-tu de l’APNA ?
Je trouve que des organisations comme l’APNA sont essentielles : elles rassemblent, structurent et donnent de la visibilité à un écosystème encore fragmenté. On a besoin de ces catalyseurs.
Investir dans les talents africains, c’est miser sur le futur. Le continent est jeune, créatif, et plein de ressources. Le vrai risque, ce n’est pas d’investir, c’est de passer à côté.
Interview réalisé par Ibrahima THIERO